Quantic Dream règle ses comptes après une nouvelle décision de justice en sa faveur
Quand honneur être bafoué, patron être remonté
Objet d'une enquête publiée conjointement en janvier 2018 par les rédactions de Mediapart, Canard PC et Le Monde qui brossait de nombreux sujets allant d'une culture d’entreprise toxique au crunch en passant par des pratiques économiques douteuses, Quantic Dream a publié un communiqué dans lequel le studio se défend des nombreuses accusations portées à son encontre, en s'appuyant notamment sur la dernière décision de justice en date dans un litige qui l'opposait à un de ses anciens employés.
L'employé en question, M. A, avait mis fin à son contrat d'administrateur système et réseaux le 28 avril 2017 et saisi le conseil de prud'hommes de Paris dans la foulée pour que cette rupture soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. C'est notamment par ce motif qu'il espérait obtenir environ 60 000 euros d'indemnités et avait même initialement obtenu gain de cause dans un jugement du 24 juillet 2018. Mais dans sa décision rendue le 7 avril 2021, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du conseil de prud'homme et débouté M. A de l'intégralité de ses demandes, donnant ainsi raison à Quantic Dream qui avait fait appel du jugement de juillet 2018.
M. A avait déclaré avoir été la cible de photomontages à caractère insultant et humiliant, des photomontages réalisés par un autre membre du studio et largement mis en avant dans les enquêtes publiées par la presse en janvier 2018. Dans les faits examinés par la justice, M. A n'apparaît pourtant que dans un seul de ces photomontages et celui-ci n'était pas de nature à justifier une rupture de contrat ou un arrêt de travail. "Il apparaît d'emblée que le cliché litigieux produit par M. A dans sa pièce 5 n'est ni dégradant, ni homophobe ni raciste contrairement à ce qu'il indique en page 7 de ses conclusions", a ainsi jugé la Cour d'appel de Paris.
Il a également été démontré que M. A n'a pas, contrairement à ce qu'il affirmait, découvert ces photomontages dans la presse et qu'il avait en fait connaissance de cette pratique depuis des années sans l'avoir jamais contestée. Jugeant que Quantic Dream n'a pas manqué à son obligation de sécurité envers son salarié, la justice a condamné M. A à verser une indemnité de 9 138 euros à titre de dommages et intérêts à son ancien employeur pour non-exécution du préavis, auxquels s'ajoutent 1 000 euros à titre des frais de justice.
Pour Quantic Dream, cette décision de justice que l'on peut lire sur Doctrine.fr (après la création d'un compte gratuit) s'ajoute à d'autres jugements généralement favorables rendus précédemment le 19 janvier 2018, le 21 novembre 2019 et le 22 septembre 2020. Selon Quantic Dream, ceux-ci ont attesté que la direction du studio avait immédiatement pris les mesures nécessaires sitôt après avoir eu connaissance des photomontages les plus problématiques. Surtout, aucune ambiance toxique ou acte de discrimination n'a semble-t-il pu être établi par la justice. Ces jugements ont également pointé un "effet d'aubaine" d'anciens salariés ayant tenté de "monnayer" un incident pour obtenir une contrepartie financière.
À notre connaissance, Quantic Dream a fait l'objet d'au moins une condamnation par le conseil de prud'hommes, le 21 novembre 2019. Accusé d'être resté passif devant devant des photomontages "homophobes, misogynes, racistes, ou encore profondément vulgaires", le studio avait dû verser 5 000 euros d'indemnisation et 2 000 euros de frais de justice à un employé victime d'un photomontage qui le présentait en train d’effectuer un salut nazi. Tout comme les trois autres membres du service informatique qui avaient décidé de quitter Quantic Dream, le plaignant n'avait toutefois pas obtenu la requalification de son départ en licenciement abusif, ce qui lui aurait valu de percevoir des indemnités nettement plus importantes. La direction de Quantic Dream s'était déclarée satisfaite du jugement rendu ce jour-là.
Quantic Dream ne s'arrête pas en si bon chemin et explique que certains de ses salariés, anciens salariés et délégués du personnel qui s'étaient exprimés sur les réseaux sociaux et dans la presse pour démentir les accusations portées contre le studio ont été "violemment pris à partie" par des personnes agissant sous de fausses identités. Usurpant parfois leur genre, certaines de ses personnes se prétendaient être des anciens salariés du studio. "Plus de 10 000 tweets ont ainsi été envoyés en quelques jours par un compte sur Twitter, dans le but que les allégations contre l'entreprise remontent en tête des moteurs de recherche. Des éléments concordants indiquent qu'un nombre très limité de personnes se cache en réalité derrière ces actions, dont le but est de ternir sciemment l'image du studio et de nuire à ses équipes", peut-on lire dans le communiqué de Quantic Dream.
Quantic Dream se lave également de toutes les accusations de "libertés prises avec le droit du travail" et de malversations financières, s'appuyant sur son dernier contrôle URSSAF en 2019, lequel s'est penché sur l'intégralité des contrats de travail, déclarations sociales et plus généralement sur les pratiques sociales de l'entreprise. "Non seulement l'URSSAF n’a strictement rien trouvé à reprocher à l’entreprise, y compris sur les faits rapportés par les articles de presse à charge, mais le contrôle s’est même soldé par un remboursement à Quantic Dream au titre d'un trop-perçu", constate Quantic Dream. "Aucun de ces contrôles ou audits n'a révélé d'irrégularité dans la gestion de l’entreprise et/ou de ses contrats, ni la moindre trace d'une quelconque liberté prise avec le droit du travail ou de malversation", ajoute le communiqué.
"Ces éléments objectifs, factuels et vérifiables, confirmés par les institutions judiciaires ou administratives compétentes, montrent de manière indiscutable que les allégations contenues dans ces articles étaient mensongères et de nature à porter atteinte à l’honneur et à la réputation du studio. Quantic Dream a choisi de rendre ces éléments publics aujourd’hui afin de rétablir les faits", peut-on lire en conclusion. Notons que ce jugement ne marque pas nécessairement la fin des aventures judiciaires de Quantic Dream. Le studio avait notamment porté plainte contre Le Monde et Mediapart en mars 2020, mais l'affaire avait été reportée au mois de mai 2021 à cause de la grève des avocats.